Des premières pistes et un quotidien qui sera perturbé encore « très longtemps ». Lors d’une conférence de presse de plus de deux heures, le Premier ministre, Edouard Philippe, et le ministre de la Santé, Olivier Véran, ont esquissé les mesures de déconfinement qui devront être mises en oeuvre à compter du 11 mai prochain, alors que la levée progressive du confinement est d’ores et déjà entrée en vigueur, depuis ce matin, en Nouvelle-Calédonie.
Pas de retour à la vie normale « avant longtemps »
En attendant la présentation du plan complet d’ici la fin du mois d’avril, une chose est sûre : l’après 11-mai ne sera pas un retour à la vie normale. Face aux nombreuses « inconnues » qui entourent toujours le virus, les Français ne retrouveront donc « pas tout de suite et probablement pas avant longtemps » leur « vie d’avant ». Il va falloir « apprendre à vivre avec lui », a prévenu le Premier ministre. La mise en oeuvre du déconfinement sera ainsi « progressive » et permettra d’entrer « dans une deuxième phase » destinée à « reconquérir une partie de notre liberté »
« Préserver la santé des Français » et « assurer la continuité de la vie de la nation » sont les deux principes du déconfinement qui ne pourront être atteints qu’en « maîtrisant la circulation du virus » et en « rétablissant la capacité d’accueil des hôpitaux ». Edouard Philippe a insisté sur « trois éléments essentiels » pour enclencher le processus : la poursuite de l’adoption des gestes barrières, tels que la distanciation sociale, la généralisation du port de masques « grand public » et le dépistage massif. « Nous allons tous être acteur de ce déconfinement, il nous reviendra à nous tous (…) d’être responsable à ce moment-là », a indiqué le Premier ministre.
« C’est localement que les solutions seront trouvées »
« Au cœur du dispositif » qui sera mis en place, il y aura « le couple maire-préfet ». « C’est un travail intense entre les maires et les préfets, les maires et les sous-préfets qui va permettre de déterminer le dispositif précis de déconfinement », a assuré Edouard Philippe qui a jugé que, « même si le déconfinement doit respecter des principes généraux, c’est localement que les solutions seront trouvées, c’est localement qu’on sera capable de déterminer les endroits dans lesquels il pourra être procédé aux tests. Et ça, ce n’est pas au gouvernement de le décider ».
Tout cela devra donc être le fruit d’un travail entre les maires et les préfets « en fonction des contraintes locales, des disponibilités locales, des endroits où les tests peuvent être effectués et analysés… »
Ehpad : droits de visite rétablis
Première mesure concrète et immédiate : les visites des familles dans les Ehpad (et les établissements accueillant des personnes handicapées) peuvent reprendre dès aujourd’hui. Mais dans des conditions « extrêmement limitées » et « très encadrées ». « Ce sera à la demande du résident (et avec) pas plus de deux personnes de la famille. Ce sera sous la responsabilité des directions d’établissements qui devront dire à la famille lorsque ce sera possible et dans quelles conditions », a précisé Olivier Véran. Si le « contact visuel » sera autorisé, « l’impossibilité d’aller toucher la personne, d’être en contact physique » sera maintenue. Cette mesure est une réponse à l’angoisse dont ont fait part les personnes âgées et leur famille.
Concernant les publics vulnérables, la ligne finalement édictée par l’Elysée – qui a souhaité qu’il n’y ait pas de « discriminations » selon l’âge – sera appliquée : « Nous allons multiplier les messages de prévention » à l’attention des plus fragiles et des personnes âgées, a précisé Olivier Véran, soulignant que « les recommandations de déconfinement demeurent mais selon un principe de responsabilité ».
Ecole : vers une réouverture partielle et différenciée selon les territoires ?
Concernant la « question sensible » de la réouverture des écoles, celle-ci devrait se faire de manière « progressive ». « Les écoles n’ouvriront pas partout le 11 mai et ne fonctionneront pas partout dans les conditions dans lesquelles elles fonctionnaient avant les mesures de confinement », a expliqué le Premier ministre, insistant sur le fait qu’il fallait les rouvrir en raison des « impératifs de continuité de vie de la nation », mais aussi parce que « 5 à 10 % des élèves, dans certains territoires ou certains quartiers, sont actuellement privés de tout contact avec l’école » malgré l’enseignement à distance. « C’est une situation qui présente un grave danger pour la nation », a-t-il estimé.
Plusieurs « scenarii » et « hypothèses » sont ainsi à l’étude. Cette réouverture pourrait se faire « par territoire », en commençant par les zones les moins touchées par le virus, ou bien « par moitié de classe ». « On peut imaginer que dans les territoires (où il n’y a eu quasiment aucun cas), l’ouverture se fasse plus rapidement et de façon plus large que dans d’autres territoires, là où la situation est plus compliquée. » Dans le cas d’un retour à l’école par moitié de classe, il pourrait y avoir alternance « une semaine sur deux » pour ce qui est du « lien physique et intellectuel avec le professeur ». Le gouvernement imagine également « l’utilisation des locaux de façon différente en utilisant des espaces plus larges que de simples classes pour faire cours ».
Reste que le Premier ministre a assuré que maires et syndicats d’enseignants seront associés à la décision finale.
Transport : le masque probablement obligatoire
Edouard Philippe a également annoncé une « probable » obligation du port du masque dans les transports publics. « Les transports sont un des cas où le port du masque grand public pourra être obligatoire à compter du 11 mai » puisque ce sont des lieux où « la densité est mécaniquement assez forte », a-t-il indiqué en notant que le gouvernement « étudie les conditions dans lesquelles cela peut être mis en oeuvre ».
Une mesure qui pose, une fois de plus, la question de la production et la distribution des masques. Afin de pouvoir « équiper les Français qui le souhaiteront », le ministre de la Santé a ainsi rappelé que « ce sont huit millions de masques qui ont été produits la semaine écoulée dans notre pays et on prévoit une production d’environ 17 millions de masques par semaine en France ». Pour leur distribution, le ministre a envisagé « un amorçage par l’Etat » et suggéré qu’il serait « très important de travailler avec les maires, pourquoi pas avec la grande distribution ».
Télétravail en entreprises et mesures barrières pour les commerces
Dans les entreprises, le télétravail devra être maintenu lorsque cela est possible. « Dans les entreprises, les gestes barrières et la distanciation sociale doivent d’abord passer, lorsque cela (sera) possible, par le maintien du télétravail », celui-ci devant se poursuivre « dans toute la mesure du possible », a fait savoir Edouard Philippe. « Lorsque ce n’est pas possible, il va falloir faire en sorte que les règles d’organisation de l’entreprise respectent ces mesures barrières et cette distanciation sociale », en se basant, notamment, sur les guides qui ont déjà été réalisés sur les différents métiers.
La réouverture des commerces, qui ne sont pas de première nécessité, devra, là aussi, se faire de manière progressive en respectant les gestes barrières et distanciation sociale dans les files d’attente notamment et avec la mise à disposition de gel hydroalcoolique. Une réouverture qui ne concerne pas les cafés et les restaurants « dans un premier temps » car « cette nature d’activité ne permet pas d’éviter la circulation du virus », selon le Premier ministre.
On sait, désormais, également que les voyages et les mariages ne seront vraisemblablement pas possibles.
La culture dans le flou
La culture reste, quant à elle, dans un brouillard épais après que le ministre de la Culture, Franck Riester, a laissé entendre, en fin de semaine dernière, que de « petits festivals » pourraient se tenir après le 11 mai. « Ce sera du cas du par cas, en fonction de la jauge, de la discipline, du lieu, de la présence ou pas d’artistes venant de l’étranger, de la capacité de maintenir les distances de sécurité… », a-t-il indiqué dans un entretien au Monde. Pour les grands événements ce ne sera pas possible avant la mi-juillet « au minimum ». Pour ce qui est des musées et des salles de cinéma, le ministre a dit ne « pas savoir », pour l’heure, quand ils pourront reprendre une activité normale.
Municipales : Jacqueline Gourault recadrée
Alors que la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités, Jacqueline Gourault, a considéré, hier matin, que « le réalisme conduisait » à ce que le second tour des élections municipales ait lieu « sûrement après l’été », Edouard Philippe a plus que tempéré son propos, dans la foulée, en affirmant ne pas savoir « si les élections pourront se tenir à la fin du mois de juin. Peut-être, mais je ne le sais pas ». Et ce dernier de rappeler : « La loi qui a été votée par le Parlement le 23 mars a prévu un système dans lequel le 23 mai – pas avant, pas après – nous dirons si le deuxième tour des élections municipales peut se tenir à la fin du mois de juin »
Source : MAIREinfo – Édition du lundi 20 avril 2020