Deux annonces importantes pour les employeurs publics et les agents ont été faites hier par le gouvernement en Conseil des ministres : l’extension, par ordonnance, de la possibilité déjà donnée aux employeurs privés d’imposer des congés et des RTT pendant l’état d’urgence sanitaire ; et la possibilité, y compris dans les collectivités territoriales, de verser une prime défiscalisée aux agents.
Pourquoi cette mesure ?
La première mesure fait l’objet d’une ordonnance « relative à la prise de jours de réduction du temps de travail ou de congés dans la fonction publique de l’État et la fonction publique territoriale au titre de la période d’urgence sanitaire ». La logique est expliquée dans le rapport qui accompagne l’ordonnance : si certains agents auront continué de travailler pendant le confinement, que ce soit en présentiel, au titre des plans de continuité de l’activité (PCA) ou en télétravail, pour d’autres il n’existait pas d’autre solution que de les faire rester chez eux sans travailler. Le chômage partiel n’existant pas dans le secteur public, ils ont été placés en autorisation spéciale d’absence (ASA). Mais lorsque viendra le déconfinement, « les agents publics auront un rôle important à jouer pour relancer l’activité dans notre pays et cela nécessitera la mobilisation et l’implication de l’ensemble des agents », est-il expliqué dans le rapport. Autrement dit, il s’agit d’éviter que les agents puissent prendre trop de congés au moment où le gouvernement estime qu’il y aura le plus besoin d’eux. Pour cela, les employeurs vont pouvoir leur imposer de prendre un certain nombre de jours de congés et de RTT pendant le confinement.
L’ordonnance est consacrée aux agents de la fonction publique de l’État. Mais à l’article 7, il est précisé que les « autorités territoriales » pourront appliquer les mêmes règles, sous certaines conditions.
Les différents cas
Le dispositif est rendu assez complexe par le fait qu’il est en partie rétroactif. Logiquement, les choses se passent de façon différente selon que les agents auront été placés en ASA ou auront travaillé.
Pour les agents placés en ASA, ce seront 10 jours de congés annuels ou de RTT qui pourront être imposés par l’employeur, répartis sur deux périodes : 5 jours de RTT entre le 16 mars et le 16 avril et 5 autres jours de RTT ou de congés annuels entre le 17 avril et le terme de l’état d’urgence sanitaire.
Le problème évident est que la première période se termine… aujourd’hui. L’ordonnance évoque donc le cas des agents pour lesquels 5 jours de RTT n’auraient pas été imposés entre le 16 mars et aujourd’hui. Dans ce cas – si entre 0 et 4 jours ont été imposés – l’employeur ne pourra imposer que 6 jours de RTT ou de congés annuels à l’agent d’ici à la fin de l’état d’urgence.
Un délai de prévenance d’au moins un jour franc doit être respecté ; et le nombre de jours de congés ou de RTT imposés doit être proratisé pour les agents à temps partiel.
Quant aux agents qui auront télétravaillé pendant cette période, ils ne seront pas épargnés par ce dispositif : pour « tenir compte des nécessités de service », il devient possible d’imposer à ces agents « 5 jours de RTT ou, à défaut, de congés annuels » pendant la période qui court du 17 avril à la fin de l’état d’urgence sanitaire.
Pour le cas, enfin, des agents qui auraient connu plusieurs situations (à la fois télétravail, travail en présentiel et ASA), un dispositif complexe est prévu par l’article 4 de l’ordonnance, permettant de « proratiser » les jours imposés en fonction des situations.
Si l’on comprend bien l’ordonnance, les seuls agents qui ne peuvent se voir imposer des jours de congés ou de RTT seront donc ceux qui ont travaillé en présentiel pendant toute la période.
Dans les collectivités, les employeurs bénéficieront d’une certaine liberté pour appliquer ces règles : « Le nombre de jours imposés peut être modulé », sans toutefois dépasser le plafond (10 jours ou 5 jours selon les cas). Notons enfin que dans ce contexte, « les fonctionnaires et agents contractuels de droit public occupant des emplois permanents à temps non complet sont assimilés à des agents publics à temps partiel ».
Prime défiscalisée de 1 000 euros maximum
Dans le même temps, le gouvernement a accédé à la demande de nombreux employeurs publics : permettre, comme c’est le cas dans le privé, le versement d’une prime défiscalisée aux agents qui se sont particulièrement impliqués dans la gestion quotidienne de la crise. Contrairement aux dispositions sur les congés, cette décision ne va pas s’appliquer immédiatement : il faut d’abord que le projet de loi de finances rectificative (PLFR) soit voté, puis qu’un décret paraisse.
Mais la mesure figure bien dans le PLFR qui a été rendu public hier : à l’article 54, il est prévu « l’exonération d’impôt sur le revenu et de cotisations et contributions sociales de la prime exceptionnelle spécifiquement versée aux agents des administrations publiques mobilisés dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire afin de tenir compte de leur surcroît de travail significatif durant cette période ».
Le Premier ministre a confirmé, hier, à la sortie du Conseil des ministres, que les collectivités territoriales étaient concernées, dans la limite d’un montant de 1 000 euros net. Les employeurs seront libres de déterminer et les montants et les bénéficiaires. Ils ne paieront aucune « cotisation ou contribution due » sur le montant de cette prime. Cette décision exceptionnelle a pour objectif de marquer « la reconnaissance de la nation » envers ces agents.
Les modalités de versement de ces primes exceptionnelles seront prévues « par décret ».
Philippe Laurent, maire de Sceaux et porte-parole de la coordination des employeurs territoriaux, se réjouit ce matin de la mise en place de cette prime, qui représente « une victoire ». « Ce n’est pas un cadeau du gouvernement, c’est quelque chose sur lequel la coordination et les associations d’élus se sont beaucoup battues, car certains au gouvernement ne voulaient pas en entendre parler. Nous avons fait valoir nos arguments et le Premier minstre a tranché », se félicite le maire de Sceaux.
Ruptures conventionnelles
Sur un autre sujet, signalons enfin qu’une autre ordonnance prise hier en Conseil des ministres va concerner les collectivités territoriales. L’ordonnance de la ministre de la Justice « relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période » dispose, à l’article 5, que les délais applicables aux procédures en matière de rupture conventionnelle dans la fonction publique, notamment le délai de rétractation, sont suspendus.
Télécharger l’ordonnance RTT et congés.
Télécharger le schéma explicatif du dispositif réalisé par l’AMF.
Source : MAIREinfo – Édition du jeudi 16 avril 2020