Le projet de loi Engagement et proximité (ou plus exactement « relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique ») a été adopté définitivement le 19 décembre. Les congés de fin d’année qui démarrent pourront être l’occasion, pour nos lecteurs, de faire le tour des mesures essentielles de ce texte. Sans prétendre à l’exhaustivité – le texte final compte plus de 120 articles – les rédactions de Maire info et de Maires de France proposent d’en résumer les points les plus saillants.
Intercommunalité
Gouvernance. La création d’une conférence des maires est obligatoire dans tous les EPCI à fiscalité propre sauf lorsque le bureau de l’établissement comprend déjà l’ensemble des maires des communes membres. Ses avis sont transmis à l’ensemble des conseillers municipaux. Des pactes de gouvernance des EPCI à fiscalité propre avec les communes membres pourront être élaborés dès le début de mandat afin de déterminer les modalités d’association, de coordination et de mutualisation avec les communes. Ils devront obligatoirement être soumis pour avis aux conseils municipaux. De nouvelles communautés pourront être créées « par scission d’une communauté de communes ou d’une communauté d’agglomération existante » tout en respectant les seuils démographiques. Le poids des communes au sein des CDCI (commissions départementales de coopération intercommunale) est porté à 50 % des sièges.
Compétences. La loi allège les compétences obligatoires des communautés de communes et d’agglomération en transformant les compétences optionnelles en facultatives. Les EPCI exerceront donc des compétences obligatoires et facultatives. L’exercice des compétences en matière de tourisme est assoupli : les communes touristiques érigées en stations classées de tourisme pourront « décider, par délibération et après avis de l’organe délibérant de la communauté de communes (ou d’agglomération), de conserver ou de retrouver l’exercice de la compétence promotion du tourisme, dont la création d’offices de tourisme ». Il en est de même pour les communes touristiques non classées. Mais si elles veulent retrouver la compétence « promotion et création d’offices », elles devront obtenir l’accord de l’EPCI et des communes membres à la majorité qualifiée.
Eau et assainissement. Le transfert de ces deux compétences reste obligatoire au 1er janvier 2020, avec possibilité de report à 2026 dans les communautés de communes. La loi étend la faculté de s’opposer au transfert obligatoire et de le reporter à 2026 pour les communes membres d’une communauté de communes « qui exerce en partie seulement, sur tout ou partie du territoire de ces communes, l’une ou l’autre des compétences eau ou assainissement », et non plus seulement pour les communautés qui n’exerçaient pas du tout l’une ou l’autre de ces compétences. La décision de report est exprimée par la demande de 25 % des communes membres représentant au moins 20 % de la population de l’EPCI – mais le délai était très court puisque les communes doivent se prononcer avant la fin de l’année 2019.
En tout état de cause, le report est réversible : après le 1er janvier 2020, dans les communautés de communes où le report à 2026 a été demandé, il restera possible « à tout moment » de décider d’un transfert avant 2026. La loi prévoit aussi, lorsque le transfert de l’eau et/ou de l’assainissement a été effectué en direction de la communauté de communes ou d’agglomération, des modalités de délégation de ces compétences vers les communes ou les syndicats infracommunautaires. Le président de l’EPCI doit inscrire sans délai une demande de délégation à l’ordre du jour. Si l’EPCI refuse la demande d’une commune, il devra le faire de façon « motivée ». Enfin, le contenu de la convention de délégation qui serait établie entre la commune et la communauté a été très fortement allégé.
L’AMF a annoncé qu’elle a saisi les services de l’État afin d’obtenir un « mode d’emploi » sur les conditions de délégations aux communes comme aux syndicats.
Conditions d’exercice du mandat
Indemnités. La loi maintient le versement des indemnités de fonction, à compter du 1er janvier 2020, pour les présidents et vice-présidents de tous les syndicats intercommunaux et de tous les syndicats mixtes ouverts restreints et syndicats mixtes fermés, quel que soit leur périmètre.
La loi revalorise les indemnités des élus dans les communes de moins de 3 500 habitants. La hausse sera de 50 % pour les communes de moins de 500 habitants, de 30 % entre 500 et 999 habitants, de 20 % entre 1000 et 3499 habitants, ce qui correspond à des indemnités respectives de 991 euros, 1 566 et 2006 euros. Cette évolution entre en vigueur dès le prochain mandat 2020-2026. À noter : tous les maires, qu’ils dirigent des communes de plus ou de moins de 3 500 habitants, conservent le droit d’avoir l’indemnité au taux maximal ou de faire voter par le conseil municipal une indemnité inférieure aux barèmes.
En 2020, l’État devait abonder la dotation particulière pour les élus locaux qui va doubler pour les communes de moins de 200 habitants et augmenter de 50 % pour les communes de 200 à 500 habitants, avait annoncé le Premier ministre devant le Congrès de l’AMF, le 21 novembre. Or le gouvernement fait finalement financer l’augmentation de cette dotation (28 millions d’euros) par une ponction sur les dotations des départements et des régions;
Conciliation mandat-activité professionnelle. Une disposition prévoit l’organisation d’un entretien entre le salarié élu et son employeur en début de mandat pour fixer les modalités de conciliation entre l’activité professionnelle et l’exercice du mandat, et d’informer l’employeur des dispositions relatives au statut de l’élu. La loi prévoit l’inscription dans le Code du travail d’un principe de non-discrimination pour les élus ayant une activité professionnelle. La loi élargit à tous les adjoints la possibilité de cesser leur activité professionnelle (publique ou privée) pour l’exercice du mandat. L’éligibilité prioritaire au télétravail est instaurée pour tous les élus municipaux et communautaires, lorsque l’activité professionnelle s’y prête.
Prise en charge des frais de garde et de déplacement. La loi prévoit la prise en charge, par la commune, des frais de garde d’enfants et d’accompagnement des personnes à charge afin de permettre aux élus de suivre les réunions des conseils municipaux et communautaires. L’État compensera cette dépense, selon un barème, dans les communes de moins de 3 500 habitants.
Les élus intercommunaux en situation de handicap pourront bénéficier du remboursement des frais spécifiques de déplacement, d’accompagnement et d’aide technique qu’ils ont engagés pour se rendre aux réunions organisées par l’EPCI, à l’instar de ce qui existe déjà pour les élus communaux.
Pour les élus en arrêt maladie, le médecin devra donner un accord formel par écrit sur l’arrêt de travail autorisant l’élu à poursuivre l’exercice de son mandat en mairie.
Formation. Les règles seront redéfinies par une ordonnance dans un délai de 9 mois suivants la publication de la loi. L’AMF participera aux travaux de rédaction de ce texte – dont elle aurait souhaité qu’il soit opérationnel en mars 2020 pour que la formation des élus, et notamment des nouveaux maires, puisse être mise en œuvre au plus vite.
Protection fonctionnelle. La loi pose l’obligation pour toutes les communes de souscrire deux types de contrat d’assurance couvrant la protection juridique des maires, adjoints et élus ayant reçu une délégation, l’assistance psychologique et les coûts qui en résultent. Ces assurances couvriront les poursuites pénales pour des faits sans faute personnelle de l’élu et les violences, menaces et outrages dont il pourrait être victime. L’État compensera ces dépenses obligatoires dans les communes de moins de 3500 habitants, en fonction d’un barème.
Information du maire. La loi prévoit d’améliorer l’information des maires sur leur prérogatives et devoirs en tant qu’officier de police judiciaire et de l’état civil. Elles leur seront présentées directement, en début de mandat, par le préfet et le procureur de la République de leur département.
Le texte rend obligatoire l’information du maire, à sa demande, par le procureur de la République, des suites données à une plainte déposée par lui-même ou à des infractions constatées par des agents de la police municipale.
À la demande du maire, le préfet présentera, une fois par an, devant le conseil municipal, l’action de l’État en matière de sécurité et de prévention de la délinquance pour la commune concernée.
Pouvoirs de police
Prérogatives du maire. La loi renforce les prérogatives de police spéciale du maire en matière de fermeture des établissements recevant du public (ERP) menaçant ruine : après une mise en demeure restée sans effet, le maire pourrait ordonner la fermeture et imposer une astreinte au propriétaire, pouvant s’élever à 500 € par jour de retard.
Pour mettre fin aux « constructions, aménagements, installations ou travaux » réalisés en méconnaissance des règles d’urbanisme, le maire pourra prononcer une astreinte (jusqu’à 500 euros par jour de retard) et des amendes administratives, dont le montant total exigible ne devra pas dépasser 25 000 euros.
À la demande du maire, le préfet pourra lui déléguer son pouvoir en matière de fermeture administrative des débits de boissons, « au vu des circonstances locales ». Il sera créé dans chaque commune concernée une « commission municipale des débits de boissons » composée de représentants des services communaux désignés par le maire, de représentants des services de l’État désignés par le préfet de département et de représentants des organisations professionnelles représentatives des cafetiers. Elle sera chargée de proposer des avis motivés sur tout projet d’acte règlementaire ou de décision individuelle concernant les débits de boissons sur le territoire de la commune. Le maire peut interdire la vente d’alcool sur la commune entre 20 heures et 8 heures. De nouvelles licences IV pourront être créées dans les communes de moins de 3 500 habitants qui n’en disposent pas et elles seront, de nouveau, gérées au niveau départemental.
Amendes. Le maire pourra dresser des amendes administratives (500 euros maximum) pour manquement à un arrêté « présentant un risque pour la sécurité des personnes et ayant un caractère répétitif ou continu », en matière d’élagage, d’entrave à la circulation ou d’occupation du domaine public sans droit ni titre. Le dispositif a été élargi au « non-respect d’un arrêté de restrictions horaires pour la vente d’alcool à emporter sur le territoire de la commune ».
Conseils municipaux et démocratie locale
Conseils municipaux. Dans les communes de moins de 100 habitants, le conseil municipal sera désormais réputé complet dès lors que 5 (au lieu de 7) conseillers au moins ont été élus (9 conseillers au lieu de 11 dans les communes de 100 à 499 habitants). Lorsqu’une vacance du maire ou des adjoints intervient après le 1er janvier de l’année qui précède le renouvellement général des conseils municipaux, « il n’est procédé aux élections nécessaires avant l’élection du maire ou des adjoints que si le conseil municipal a perdu le tiers ou plus de ses membres ».
Démocratie locale. À la demande d’un dixième au moins des membres du conseil municipal, un débat portant sur la politique générale de la commune est organisé lors de la réunion suivante du conseil municipal. Dans les communes de moins de 3 500 habitants, chaque bourg, hameau ou groupement de hameaux peut être doté par le conseil municipal, sur demande de ses habitants, d’un conseil consultatif. Il peut être consulté par le maire « sur toute question. Il est informé de toute décision concernant la partie du territoire communal qu’il couvre. » Dans les EPCI, le seuil de création obligatoire d’un conseil de développement est porté de 20 000 à 50 000 habitants.
Parité. Le gouvernement avait introduit, en fin de débats, un amendement imposant pour 2026 le scrutin de liste paritaire dans les communes de 500 habitants et plus (et non 1000 comme aujourd’hui). Cette mesure a disparu du texte final, et a été remplacée par un engagement à ce qu’un texte soit voté sur cette question avant le 31 décembre 2021. Selon Françoise Gatel, co-rapporteure du projet de loi au Sénat avec Mathieu Darnaud, le Parlement va pouvoir « prendre le temps » de réfléchir à tous les aspects de la question, y compris – ce qui était absent de la proposition initiale – la question de la parité « dans les EPCI et les syndicats ». « Sans compter que cela nous permettra de faire un bilan du résultat des élections de 2020 en la matière. »
Dans les communes de plus de 1000 habitants, les adjoints seront élus à partir d’une liste strictement paritaire. Attention, par la suite, en cas de vacance d’un poste d’adjoint, le remplacement se fera obligatoirement par un adjoint de même sexe et au même rang.
Mesures diverses
Ouvrages d’art. Comme promis par le gouvernement lors du Congrès des maires, une disposition de la loi assouplit les règles de participation minimale du maître d’ouvrage au financement d’opérations d’investissement particulièrement « sensibles pour les collectivités », dont – nouveauté – celles relatives aux ponts et autres ouvrages d’art. Les préfets pourront autoriser les communes maîtres d’ouvrage à s’écarter de la règle de participation minimale de 20 % du total des « financements apportés par les personnes publiques ». En clair, ces opérations pourront être financées en totalité via des subventions.
Sécurité. Le recrutement et la mutualisation des policiers municipaux et des gardes champêtres sont assouplis. Des conventions de coordination avec les forces de sécurité nationales sont obligatoires dès que la police municipale compte au moins 3 agents (et non plus 5).
Captages d’eau. La loi institue un droit de préemption pour la préservation des ressources en eau destinées à la consommation humaine au bénéfice de la commune ou du groupement de communes compétent. Il s’applique aux surfaces agricoles sur un territoire délimité en tout ou partie dans l’aire d’alimentation de captages utilisés pour l’alimentation en eau destinée à la consommation humaine.
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Source : MAIREinfo – Edition du 20 décembre 2019.